Il n’y a rien de plus banal qu’une photo de coucher de soleil. Les cartes postales, les sites de voyages, les calendriers exotiques les adorent et le touriste digne de ce nom est toujours fier d’exhiber ses souvenirs vespéraux.
Je vous offre pourtant celui-ci, non qu’il soit moins banal que les autres, mais pour l’avoir vécu intensément comme un événement magique et comme une apothéose de l’été au moment où les prévisions météo nous annoncent l’approche rapide de l’automne.
Comment décrire dans l’instantané ce qui se déroule dans la durée : comment retracer le temps de cette lente chute, résolue et inexorable, dans les profondeurs de l’océan, la délicieuse et exquise immersion dans les sables mouvants des ténèbres ; elle s’accompagne de la dégradation progressive de la lumière tout en exaltant les nuances rutilantes des rouges du ponant dans un chatoiement de reflets divers et changeants. Disparition angoissante et pourtant tellement paisible. Les choses doivent se faire et elles se font simplement mais majestueusement : la mort de l’Astre, la mort du Père, la mort de Dieu, tout en laissant l’assurance de sa renaissance, l’attente de son retour, la certitude de sa résurrection. Quel spectacle !
Après cela, il est facile de se laisser enlacer dans les draps du sommeil, avec l’abandon d’un enfant qui s’endort dans vos bras, naturellement confiant de retrouver un regard d’amour au moment même ou il lèvera de nouveau ses paupières.